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Interview – White+, la Chine à grandes foulées

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Shou Wang est aussi âgé que le Rock en Chine. En effet, c’est il y a une trentaine d’années que la musique occidentale, le rock et le punk y émergent comme une forme croissante d’une nouvelle expression artistique et de création. Le musicien découvre le Velvet Underground lorsqu’il est au lycée, apprend à jouer de la guitare, puis monte son projet rock Carsick Cars aujourd’hui auteur de trois disques sur le label Maybe Mars. En parallèle, il travaille sur un projet plus expérimental avec lequel il était invité au dernier Mama Festival. C’est donc sur la scène de la Boule Noire qu’il a présenté White + au sein duquel il opère en duo avec Wang Xu, le batteur du groupe The Gar. Rencontre.

Tu es né à Pékin dans les années 1980, puis tu as grandi dans une Chine censurée. Comment as-tu commencé à t’intéresser à la musique indépendante occidentale?

Shou Wang: Lorsque j’étais au collège, je me rappelle que j’écoutais Michael Jackson. Je me souviens aussi de l’hymne de la Coupe du Monde de football de 1998, j’avais 13 ans. Ce sont les premiers morceaux occidentaux que j’ai entendus, ce sont eux qui ont éveillé ma curiosité et mon intérêt.

On ne trouvait pas vraiment de disques de musique indé en Chine dans les années 1990. Comment te les procurais-tu?

A l’époque, il n’y avait pas Internet, la seule solution était d’aller chez les disquaires qui étaient peu nombreux. C’était un tout petit milieu où tout le monde se retrouvait pour faire connaître des groupes et des morceaux à d’autres personnes. Pour acheter des disques venant d’Europe ou des Etats-Unis, chaque semaine – à une date et à une heure précises – les pékinois qui appartenaient et qui s’intéressaient à la scène indé se donnaient rendez-vous pour acheter les dakou (disques ramenés illégalement d’Occident et vendus sur le marché noir, ndlr). C’était la seule façon de se procurer des disques et de découvrir des nouveaux groupes. C’était aussi une façon de rencontrer les acteurs de la scène locale et de se rassembler.

Parlons de deux groupes importants pour toi. D’abord le Velvet Underground…

J’ai eu ma première guitare à l’âge de 14 ans, puis j’ai pris deux leçons avec un musicien de Heavy Metal trop show off, et ça ne m’a pas plu. Quand j’ai découvert le Velvet Underground un peu plus tard, j’ai accordé ma guitare et j’ai vraiment commencé à apprendre. J’ai découvert une autre façon d’écouter de la musique et, surtout, j’ai eu envie d’en jouer. Je ne crois pas qu’on doive absolument être un grand maître de la guitare pour intégrer un groupe, mais plutôt trouver des idées intéressantes et différentes des autres. Je pense que c’est comme ça qu’on fait de la bonne musique. C’est comme ça que je perçois aussi le Velvet Underground.

Et Sonic Youth?

Sonic Youth est venu jouer à Pékin en 2007. Le groupe a choisi Carsick Cars comme première partie. Pour une raison ou une autre, ça ne s’est pas fait mais ils nous ont demandé de les suivre en Europe. Nous sommes allés à Londres, Vienne, Prague… avec eux. C’était fou de jouer en Europe, encore plus avec nos idoles.

Y a-t-il une grande différence entre une tournée en Occident et une tournée en Chine?

Tourner en Europe et en Chine, c’est très différent. Avec Carsick Cars et The Gar, nous avons tourné en 2009 dans 16 villes chinoises. Le pays est gigantesque. Nous sommes tous nés à Pékin, et Pékin ce n’est pas la Chine. On tourne dans un pays ou tout le monde ne parle pas la même langue, et où les cultures sont différentes. Une tournée en Chine est parfois un plus grand choc culturel qu’une tournée dans différents pays d’Europe. Mais la musique est un langage universel, alors même en tournée occidentale avec Carsick Cars, quand je chante en chinois, j’ai l’impression que les gens comprennent ce que je dis.

Carscick Cars (photo ci-dessous) a maintenant dix ans, ce qui en fait un exemple en Chine. Quelle a été son évolution?

On a commencé comme beaucoup de groupes. Quand on a monté le projet, on n’imaginait même pas faire un concert un jour. Aujourd’hui, on a trois albums, et on tourne. Pour chaque nouveau disque, on essaie de faire quelque chose de nouveau pour que ce soit différent du précédent. Nous sommes de plus en plus populaires, mais je ne nous considère pas comme un groupe exemplaire en Chine. Je pense surtout que nous sommes vraiment chanceux de pouvoir enregistrer des disques et de jouer en Occident. Carsick Cars fait partie des premiers groupes chinois à pouvoir tourner en Europe et aux Etats-Unis. J’imagine que, quand ils nous voient, les nouveaux venus se disent qu’ils auront peut-être la même chance que nous.

Tu es en tournée européenne avec White +. Peux tu nous en dire plus à ce sujet? 

En fait, il y a différents projets ‘White’, et chacun est autonome, n’est pas connecté aux autres. J’ai commencé White en parallèle de Carsick Cars pour faire quelque chose de plus électro et plus expérimental. Je ne travaille pas avec les mêmes personnes selon le projet. Au début, White était un groupe composé de six guitares, puis il n’a jamais cessé d’évoluer. Aujourd’hui, je suis là pour White +. Wang Xu y joue de la batterie, je suis aux claviers, et on essaie de relier les deux. On va sortir un album l’an prochain.

Comment la scène indé chinoise a-t-elle évolué ces dix dernières années? 

A nos débuts, peu de groupes de la scène indépendante revendiquaient l’influence de l’Occident. Du coup, tout ce qu’on faisait était frais et neuf. Encore aujourd’hui, on se sent très libres de faire des choses puisque tout est plus ou moins nouveau pour nous. Il y a dix ans, lorsqu’on organisait des concerts, c’était dans de très petites salles où tout le monde ne pouvait pas entrer. Aujourd’hui, il y a plusieurs salles de concert qui permettent de nous produire plus facilement. Logiquement, il y a aussi de plus en plus de groupes qui sortent des disques, les styles se propagent plus rapidement et plus facilement. De nos jours, on peut entendre tous les styles musicaux à Pékin.

Etre dans un groupe de rock est-il un acte politique en Chine?

Ca, c’est un stéréotype. Parce que nous sommes de Chine, on devrait faire quelque chose de relatif à la politique. La société chinoise et la société occidentale sont complètement différentes. En Occident, tu peux critiquer le gouvernement, mais ça ne veut rien dire, ça fera même probablement gagner plus d’argent. En Chine, c’est différent. On doit jouer selon les règles, et si on veut dire certaines choses, il faut juste les dire d’une manière détournée. Mais c’est amusant, et surtout ça te force à être encore plus créatif pour déjouer les tours. Par exemple, le morceau ‘Zhong Nan Hai‘ (marque populaire de cigarettes, et également nom du siège du gouvernement, ndlr) de Carsick Cars est simplement une chanson sur une marque de cigarettes, pourtant elle peut être entendue différemment. Mais au final, ce n’est pas de la politique, c’est juste une chanson.

Comment vois tu le futur de la scène indé chinoise?

Dans cinq ou dix ans, je pense qu’il n’y aura plus trop de différences avec l’Ouest. Ca commence à se commercialiser, et de plus en plus d’entreprises et d’investisseurs ne sont plus indifférents à la scène indé. Ca change, ça évolue très rapidement, il y a de plus en plus de musiciens qui enregistrent par eux-mêmes… Aux Etats-Unis, être un adolescent et jouer dans un groupe est une chose courante. C’est de plus en plus fréquent en Chine.

Quel est le groupe à suivre? 

Maybe Mars – notre label à Pékin – produit un groupe qui s’appelle Chui Wan. Ils ont un son que je n’avais jamais entendu auparavant. C’est probablement le meilleur groupe de Chine en ce moment.

Crédit photos live: Li Tiejian


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